• Femmes du Fleuve

     

    Femmes du Fleuve

    femmes du fleuve

    Femmes du Fleuve

    Femmes du Fleuve

    Femmes du Fleuve

    Femmes du Fleuve

     

    Femmes du Fleuve

      

     Femmes du Fleuve

    Ces draps calligraphiés forment autant de pages d'un livre, tissu-mémoire déchiré, rapiécé, livré au vent qui rebat l'estuaire, mémoire enveloppante, parole organique jaillie sans ordre, chaînons pouvant faire pièce par grappes, par lignes, se maillant aux rues et places.

      

    Femmes du Fleuve

     

    Femmes du Fleuve  

    Talmont 18 juin 2005, premier drap de l'installation "femmes du fleuve" aboutissement de quatre mois de travail.

      

    Femmes du Fleuve 

    Thème de cette année-là : la pêche au maigre.
     
    Femmes du Fleuve

    Dans l'estuaire tout est exposé à la dureté du fleuve, hommes, bâtiments, matériaux, tout : l'éphémère, le fugitif, le fragile et l'éternel. Ici le fleuve est presque une mer, le vent prend des allures de tempête. Eglise dévorée par le fleuve, portail de l'église si intense, si usé, si fragmentaire. Travailleurs de la rivière inquiets de l'avenir. Une même et double matière: la vase et le drap de lit. La vase du lit du fleuve. Le drap du lit des hommes. La vase de laquelle la vie, il y a si longtemps est apparue. Le drap de lit qui nous accompagne au long de notre existence. Vase, lieu initial de la vie. Drap de lit, linceul et enveloppe des joutes érotiques. Vase sur drap. Vie du fleuve sur vie des hommes. Voix du fleuve, voix des hommes, voix des femmes. Un chant à plusieurs voix, un seul support, le drap.

    Femmes du Fleuve 

    Ces courts textes calligraphiés sur les draps prennent source dans la poésie populaire des grands espaces, chasseurs et pêcheurs de la Taïga, Inuits, Tchouvaches, Amérindiens, gauchos de la Pampa... peuples à la parole rude, au geste simple, peuples fondés sur la lignée, la transmission des pratiques qui permettent de survivre. Voix campées en amont de toute littérature, quand la langue se mêle encore au vent, à la steppe, à la neige : nomades, coureurs de toundra... Pourquoi ? Parce que les rapproche des pêcheurs d'estuaire ce rapport d'une microsociété ayant une forte identité, avec une société lourde qui efface leur trace, nivelle les cultures, fait taire les langues de grand vent, le chant de marche, le chant à ramer, qui remplace la connaissance du territoire par le GPS, le poisson sauvage par le poisson d'élevage. Société lourde qui pourtant ressent la disparition des pratiques traditionnelles comme la perte d'un patrimoine vital, comme un risque mortel.

    Femmes du Fleuve 

    Ces textes puisent donc leurs formes dans le patrimoine poétique de peuples liés à leur territoire par une relation de chasseur-pêcheur. Cet emprunt est avant tout un salut reconnaissant adressé à la sagesse qu’ils ont léguée au monde moderne, salut qui tente d’éclairer ici la relation qu’une société traditionnelle de pêcheurs entretient — pour combien de temps encore ? — avec l’estuaire de la Gironde.

     

     Femmes du Fleuve

     

    Femmes du Fleuve

     

    Femmes du fleuve

    Talmont sur Gironde

    18 juin 2005 

    La Pêche au Fil du Fleuve

     

    Réalisation : 

    Christian Lippinois auteur

    Gérard Caye calligraphe

    Catherine Lippinois plasticienne

     Financement :

     Syndicat mixte pour la restauration et l’animation du site de Talmont

     Appui :

     Conservatoire de l’Estuaire de la Gironde

     

     

    "Femmes du fleuve"

    Recueil des textes-calligraphies 

      

     Voici 

    la cale où l'on 

    tannait les voiles 

    rosies les toiles 

    ne moisiront 

    pas ni ce gros 

    drap d'accouchée 

    coulée de mots 

    calligraphiée

     

      

    Au cormoran je demande 

    où dort le maigre 

    il se souvient, je suis de sa lignée 

    il n'a pas oublié 

    sur la grande eau il mène le maigre 

    jusqu'en Islande le mène

     

    puis le ramène

     

    le cormoran plonge

     

    dans la fosse des vingt mètres 

    il plonge, il écoute

     

                                                            et moi je me souviens

     

      

                    Ecoutez pêcheur, écoutez 

    sur le fleuve écoutez 

    l'oreille au fond de la yole

     

    aujourd'hui demain écoutez 

    soyez proche du fleuve 

    très près de la lignée 

    soyez très proche et écoutez

     

                    Ha toi le fleuve !

     

                    Ce fils nous l'appelons Jean

     

                    Qu'il mène sa yole

     

    Qu'il mouille le tramail

     

                    Jean Marin, voilà son nom

     

    Qu'il reste dans la lignée

     

    Qu'il étende sa main

     

    Vite

     

    Nous vieillissons 

    Parole

     

    Hé le fleuve !

     

     

     

    Près de la cale 

    Sable et calots de tuiles 

    Ah les ricochets sur la vase !

     

    Près du canal joncs et roseaux 

    Fouette l'eau ha !

     

    Ecoute tu es unique 

                                          Nous ne recevons pas deux fois un nom

     

     

                                          Petite lune

     

                                          mortes eaux 

    De la mairie

     

                    A l'église 

    les anciens

     

    font cercle 

    lui 

    il me passe

     

    l'anneau

     

                    Mon bien–aimé

     

    Le fleuve l'a repris 

                    Mes noces

     

                                          Le maigre s'en est vêtu 

    Ah laissez vos filets !

     

    Mon enfant, mon tendre 

    Je n'ai plus que toi 

    De vin j'ai mouillé ta lèvre 

    — Sois vigneron !

     Et de miel ton oreille
     — Oublie le fleuve 

      

    Jour de foison 

    Amis profitent 

    Du poisson

     

    Jour de bredouille 

    A nous de profiter

     

    De l'amitié

     

                    En le charnier marin 

    Là–haut sur la falaise

     A Cornebrot 

                    Ils ont rejoint la lignée

     

    L'estuaire 

    Ils ne l'avaient jamais quitté

     

     

     

    Fleuve noir 

    Limon roux 

    Mémoire douce 

    Miroir d'eau 

    Mots d'ivoire

     

    Dors mon chéri, mon ange 

    La nuit s'étoile

     

                    La yole plie sa voile 

    Dors mon chéri, mon ange 

    L'île a son lit de vagues

     

    La biche a sa fougère 

    Toi les bras de ta mère

       

    Dors mon chéri, mon ange 

    Le phare s'allume

     

    La rivière a ses brumes 

    Dors mon chéri, mon ange 

    L'oie son manteau de plumes 

    La yole un lit de vent 

    Mon ange a sa maman

     

    Bouche d'or le maigre 

    Vif argent le gravelot

     

    L'iris ou fleur de lys 

    Voie des lignées 

    D'où prends-tu appel ?

     

     

     

    Ma toute petite 

    Pendue à mon sein 

    Je t'ai donné le nom 

    De ma mère 

    Tu es fille, tu es mère

     

    Je t'ai donné 

    Ma toute petite

     Le nom de la rivière
                   

    Hop là ho ! 

    Femmes de la rive

     

    Prenez -vous racine ? 

    Nous  — hop là ho !

     

    Femmes de pêcheurs 

    Mariées au vent

     

    Que vivent le fleuve 

    Et le poisson

     

    Hop là ho ! 

    Femmes de plein vent

     

    Amis, ils reviendront

    Ils remonteront l'estuaire 

    Ils nous avaient oubliés 

    Les jours anciens

    Regarde

    Ils sont de retour

    Regarde bien

    L'Estuaire s'emplit

    Il est de retour

    L'esprit des jours

     

      

    Filé le lin 

    Ne m'en souviens

     

    Mais du tisserand 

    De village en village

     

    Oui m'en souviens 

    De mon aïeule aussi

     

    qui fila mon trousseau 

    Ces jours anciens 

    Les voilà maintenant 

    A battre dans le vent

      

    Ce drap 

    Trouvé dans la maison 

    Où restait Ninon

     

    A la mort de Paulin 

    Dans la grimpette 

    Le magasin de bois 

    Passé au coaltar

     

    (Ne cherchez pas 

    il n'existe plus)

     

     

    Tous feux éteints 

    Dans les roseaux 

    Petit béguin !

      

    Roseaux en fleur

     

    Un p'tit berceau

    Trois oeufs de cane

      

    On pèse le maigre

    La fille du pêcheur est là

    Un bébé dans les bras

     

     

    Pluie de pétales 

    Accroupie dans les roseaux

     

    Petit besoin

     

     

    Sous les chrysanthèmes 

    La croix cache une photo 

    Péri en mer

      

                   Jour de bredouille

     Et bras tatoués

    Soupe de crabes verts

     

    Les hommes hissent la voile

    Femmes

    Sortez les draps

    Portez au port

    La lessive du fleuve

    Femmes de pêcheurs

    Dites l'estuaire

    L'étoffe des lignées

     

    Oreille collée au bois 

    La flottille écoute le maigre

    Même au village on parle bas

      

                    Le vieux chien

    qui savait écouter le maigre

    dort loin de son maître

    sous les roses trémières

      

                    Vase vent - écaille peau - poil plume - griffe bec - gobe tout - cric croc

     

    poil roux – vent fou – poil ras – vent froid

     Yoo 

     

    Pêcheur sauvage 

    A force de solitude 

    Les hommes 

    Mangeant ton poisson

    Mangeront

    La beauté sauvage

      

    Ceux qui ne font qu'un

    Avec les mots

    Le monde croit leur parole 

    Leur manière d'être au monde

    Il la voit 

    Les mots les morts 

    Ne font qu'un

    La voix de la lignée 

    Ebranle le monde

     

    Sous l'escalier

    Gravés dans la chaux

    Une ancre un coeur

                    Jeannette 1932 

    Brume d'été

    Glaïeuls fanés

    Sous la croix

    Gravé dans le bronze

    Jeannette

    1914-2005

     

    Flottille dans l'aube

    Petite Crevette dans son berceau

    Réclame le sein

     

                    Mes mains

    sentent  l'alose

                    Fleuve sauvage

    Ta barbe

    senteurs de mer

    Lèvres salées

     

    Nos hommes du vent

    Rendus à terre

    Ils ne sont plus eux-mêmes

    Quand ils ferlent leurs voiles

                C'est leur pensée qu'ils tuent